Ivan Coyote et l’année des toilettes publiques
Depuis sa présentation TED talk en 2015 sur la nécessité d’avoir des toilettes publiques mixtes, Ivan Coyote a dû parler de toilettes. Bon nombre de fois.
La question a reçu une attention grandissante suite aux lois qui, lorsqu’elles furent introduites dans certaines régions des États-Unis, ont été sévèrement critiquées par les associations de défense des droits de l’homme du monde entier.
“Des trucs tels que HB2, ce projet de loi horrible en Caroline du Nord, et les autres lois qui nous arrivent, proposées ou discutées, qui mettent en lumière le bigotisme je crois, un bigotisme incontrôlé qui affecte les transgenres tout le temps. Je crois donc, dit-il, que c’est bien que la lumière soit faite sur la question.”
“Je pense que la question a reçu un certain éclairage, mais le résultat c’est que cette sorte d’ignorance a été exacerbée, et a légitimé une peur sans fondement, non existante statistiquement, des transgenres qui se glissent dans les toilettes publiques pour s’y livrer à des activités infâmes.”
Conteur célèbre de Whitehorse dans le Territoire du Yukon, Coyote déclare que même si la question est et restera une question importante, c’est un peu fatigant à la longue.
“J’ai décidé, dit-il, que 2016 serait mon année pour discuter des toilettes publiques dans des forums publics, mais dès le 1er Janvier 2017 je n’en parlerai plus du tout.”
“J’ai apporté ma contribution au débat, maintenant ça suffit.”
En Australie, faisant partie d’une délégation d’écrivains canadiens participant au Festival des Écrivains de Melbourne, parmi d’autres évènements nationaux, Coyote déclare qu’une telle opportunité de voyager avec le groupe lui a donné l’occasion de se présenter à un public nouveau et improbable.
“On touche un public qui n’aurait jamais eu accès à son œuvre, dit-il, parce qu’on aime mettre les gens dans des boîtes, on m’appelle régulièrement un artiste de la langue orale, on m’appelle aussi régulièrement un artiste LGBTQ, ce que je suis, techniquement j’appartiens aux deux groupes, mais une telle étiquette permet parfois d’écarter mon travail comme quelque chose qui ne concerne pas, pourtant mon travail touche à beaucoup de choses.”
“J’ai l’occasion de croiser un public qui n’aurait jamais jeté un œil sur mon travail auparavant, et je rencontre des gens avec qui je m’assois, je casse la croûte, je partage un repas, et je parle à des éditeurs, des journalistes, des propriétaires de magazines et des directeurs d’autres festivals.”
Tout en accentuant son travail avec un public tout neuf, Coyote explique que l’un des avantages de participer à des festivals, c’est le temps passé avec d’autres auteurs canadiens.
“L’écriture, dit-il, est une aventure solitaire la plupart du temps et partir en tournée peut être assez solitaire aussi, alors joindre un petit groupe en tournée, c’est plutôt agréable.”
“C’est une drôle de façon de gagner sa vie; toutes les péripéties de cette vie sont très spécifiques à cet art, et on a parfois besoin de parler boulot, et les gens avec qui on peut le faire sont rares, j’ai donc eu l’occasion de parler boulot, et ça c’est vital à mon travail artistique.”
Auteur couronné de succès, Coyote construit sa carrière sur un amour de la performance et de la conversation avec un public.
“J’ai débuté comme chanteur folk au début des années 90, dit-il, des petites performances dans des cafés entre autres. Et puis j’ai peu à peu réalisé que j’aimais bien badiner.”
“J’ai commencé à écrire des petits morceaux, je ne me rappelle plus très bien les premières performances, mais ça a dû bien se passer parce que après on a commencé à me solliciter pour différents événements et à partir de là j’ai avancé.”
Opérant dans tout le Canada, Coyote a subi les hauts et les bas du climat artistique en perpétuel mouvement dans le pays, avec des financements en dents de scie pouvant avoir des conséquences qui prennent des années à s’en remettre.
“Et quand ça arrive, dit-il, les cordons de la bourse sont coupés, et les artistes se retrouvent en compétition les uns avec les autres pour se partager les maigres ressources, et au final lorsqu’il n’y en a pas assez pour tout le monde, c’est la trame de la communauté des artistes qui en subit les conséquences.”
“Regardez ce que nous avons accompli dans cette salle (du Festival des Écrivains de Melbourne) regardez la discussion que nous avons eue, les thèmes que nous avons abordés, avec seulement trois écrivains en présence. Les idées qu’on propage. Comment on évalue tout ça?
“On ne voit les résultats d’un mouvement que peut-être cinq ou six ans plus tard au mieux, on sort tout juste de nos petites coquilles individuelles maintenant, on essaie de regarder autour et on se dit OK, qu’est-ce qu’on peut faire maintenant? Quelles vont être nos priorités? C’est bien différent de l’environnement toxique qu’on a eu au Canada ces dernières années.”
Coyote aimerait bien sortir et visiter un peu plus l’Australie pendant ce déplacement, malheureusement il semblerait que la partie visite touristique devra attendre une prochaine fois.
“Il y a plein de choses que j’aimerais voir et faire, déclare-t-il, mais honnêtement je ne suis pas certain qu’une tournée et une visite touristique sont compatibles, je suis un peu fatigué.”
“J’aimerais revenir en Australie et y consacrer un peu plus de temps, j’aimerais revenir quand ce n’est pas l’hiver, j’adore nager et j’aimerais profiter de l’océan ici.”
Ivan Coyote a participé au Festival des Écrivains de Melbourne grâce au soutien du Conseil des Arts du Canada et du Consulat général du Canada de Sydney.