Un monde d’hommes : le partage des genres en musique
Quand on considère que le monde de la musique est une industrie qui rapporte des milliards de dollars, quelques noms viennent tout de suite à l’esprit, celles qui gagnent gros, sont des femmes: Katy Perry, Taylor Swift, Rhianna pour ne citer qu’elles.
Mais qu’en est-il en coulisses ?
Deux jeunes cinéastes canadiennes, Sarah Clattenburg et Sahar Yousefi , ont décidé de faire toute la lumière sur la disparité entre les genres dans la production musicale, en réalisant le documentaire Play your gender qui nous explique dans le détail comment il se fait que les femmes ne constituent que 5 % de ceux et celles qui travaillent en coulisses.
Dans ce documentaire, filmé en Amérique du Nord, et présenté en première internationale au Festival du Film international de Canberra , des artistes et des producteurs du monde musical s’expriment sur la question du déséquilibre entre les genres et sur les difficultés pour les femmes de percer dans cette industrie.
Pour Clattenburg, la réalisatrice de ce long-métrage, il est important d’attirer l’attention sur cette question qui a été écartée depuis si longtemps.
Et elle ajoute : “Je suis batteur et membre de divers groupes depuis environ dix ans, et j’ai l’habitude de constater cette situation. ”
“J’ai l’habitude de me pointer pour une balance audio et c’est un ingénieur du son qui s’en charge, un gars jamais une fille, ou bien je suis la seule à jouer de la batterie ce soir-là. C’est ce que j’ai remarqué, mais c’est si courant que c’est facile à accepter parce que ça arrive tout le temps.”
Yousefi, la réalisatrice du documentaire, déclare : “on peut évoquer un certain nombre de raisons pour tenter de justifier le peu de femmes dans les rôles de production, mais la plupart du temps cela se résume à une question d’attitude.”
“Au départ, dit-elle, dans le monde de la musique il n’y a pas beaucoup d’exemples de femmes côté technique, en cause les stéréotypes, les femmes sont vues historiquement comme moins techniques et il ne faut pas oublier que les femmes n’ont commencé à travailler qu’après la deuxième guerre mondiale.”
“Dans le domaine de la musique en particulier, oui on voit que c’est un club de garçons, et il y a le stéréotype que les femmes ne sont pas intéressées dans tout ce qui touche aux boutons et au câblage, comme si il fallait être un génie. Il suffit de s’imaginer dans le rôle, d’avoir accès aux ressources et de trouver des gens pour vous encourager.
“Si tu n’as pas le sentiment d’appartenir au milieu, c’est tout à fait naturel pour quelqu’un de fréquenter d’autres gens avec lesquels on a des affinités, de donner la chance à des gens qu’on aime, alors automatiquement ce sont les hommes qui établissent un certain rapport entre eux, et qui n’encouragent pas autant les femmes sans raison véritable.”
Clattenburg en convient : les filles ont besoin de modèles vers qui se tourner dans cette industrie.
“Quand on est une jeune fille, dit-elle, et qu’on veut se lancer dans l’industrie musicale, la première idée c’est de chanter ou bien de jouer du clavier, mais à part cela, il n’y a pas grand’chose d’autre pour vous. ”
“Plus on verra de gens dépasser ces limites, et plus on verra de jeunes filles se dire: oui je me vois bien faire ça aussi.“
En filmant à LA, New York et Toronto, les cinéastes ont interviewé des spécialistes, des musiciens et des producteurs sur cet état de fait dans l’industrie actuelle, et sur les changements qu’on pourrait opérer, mais ce n’était pas toujours facile de faire parler les gens.
“En ce qui concerne les personnes qu’on a interviewées, déclare Yousefi, elles avaient très envie d’en parler, elles étaient vraiment très intéressées, beaucoup d’entre elles avaient pas mal de choses à raconter, en se référant à leur expérience personnelle, elles ont dû vraiment se battre pour montrer de quoi elles étaient capables et se faire accepter.”
“Je pense que beaucoup d’entre elles avaient peur que les gens avec qui elles travaillent puissent mal l’interpréter, qu’elles se plaignent des hommes avec qui elles partagent leur vie, ce qui n’est pas nécessairement le cas, elles évoquaient seulement un problème tout ce qu’il y a de plus évident.”
Yousafi considère que le Canada est un leader en ce qui concerne les questions de genre, en particulier quand on voit ce qui se passe au gouvernement au premier plan des discussions internationales.
“Le changement récemment arrivé au Canada, dit-elle, tout le monde l’a remarqué. Je me rappelle le moment de l’annonce de la nomination de tous les ministres, en plus du genre, le fait est que les ministres ont vraiment l’expérience de leur portefeuille, et la diversité raciale.”
“Je pense que nous sommes en tête parce que les gens en parlent, et le fait même qu’ils en parlent ça prouve bien que c’est unique en son genre, quand j’essaie de trouver un autre exemple similaire, ils sont rares, c’est pour cela que je crois que le Canada est un leader et j’en suis fière.”
Présenter ce documentaire à Canberra pour sa première internationale peut sembler un choix bizarre, mais pour les deux femmes ce fut une décision des plus faciles.
“D’après Yousefi, le festival de Canberra est si formidable, il a la volonté de faire venir des documentaires d’actualité et des films qui exposent des questions qui n’ont pas forcément la popularité.”
“Le festival donne sa chance à l’équilibre des genres et aux minorités, c’est pour ça qu’on en avait envie parce qu’ils voulaient vraiment nous avoir et engager une discussion sur le sujet, et pas seulement le projeter sur l’écran.”
Le film va maintenant faire le tour des festivals internationaux pour l’année qui vient, et Yousefi espère que les gens engageront cette conversation importante sur l’équilibre et l’égalité des genres.
“Nous voulons, dit-elle, que les gens voient ce documentaire, mais nous voulons aussi qu’ils s’engagent.”
“C’est une question qui nous concerne, et pas seulement un film qu’on veut promouvoir.”
Les interviews et récits présentés dans le film, ainsi que d’autres suppléments, sont disponibles sur le site Play Your Gender.