
Hal Wake à propos du pouvoir de la conversation
Hal Wake occupe la position de Directeur artistique du Festival international des Écrivains et des Lecteurs de Vancouver, une place qu’il entend bien garder pour les années à venir.
“C’est sans conteste le meilleur travail au monde, dit-il.”
“Je produis quatre-vingt-dix événements, conversations et performances de différents formats, et pendant le festival je passe la plus grande partie de mon temps à y assister, me déplaçant dans toute l’île de spectacle en spectacle, et puis la nuit je m’assois pour prendre un verre de vin ou une bière avec quelques-unes des meilleures personnes qu’il nous est donné de rencontrer.”
L’organisation d’un festival d’écrivains de cette ampleur engendre pas mal de stress, y compris sélectionner parmi des centaines d’invités potentiels et trouver le juste équilibre.
“Les éditeurs, dit-il, proposent des écrivains qu’ils veulent présenter au public, parfois très connus et d’autres fois pratiquement totalement inconnus.”
“On pioche dans cette manne, mais au final on a encore environ 300 noms parmi lesquels il faut choisir, alors on commence à regarder les livres qui proposent une vue différente, des conversations entre deux personnes qui pourraient s’avérer intéressantes, et puis on décide d’une sélection, et bon an mal an, quoi qu’on choisisse on ne peut faire marche arrière, on ne peut plus refuser quelqu’un qu’on a invité.”
Membre d’une délégation d’écrivains canadiens invités à Melbourne pour le Festival des Écrivains de Melbourne, Wake déclare qu’il avait l’intention de profiter de ce voyage, commencé en Nouvelle –Zélande avec le festival WORD des Écrivains et Lecteurs de Christchurch, pour se présenter à de nouveaux écrivains et simplement observer le mode d’opération de différents festivals.
“J’ai, dit-il, une liste de six écrivains néo-zélandais que je pourrais inviter dès demain, mais aussi des auteurs d’autres pays qui étaient présents au festival.”
“Et on observe le fonctionnement d’autres festivals et on récupère leurs idées, parfois c’est juste en terme de logistique ou de présentation, ce qu’on offre au public sur les écrans, c’est de grande qualité c’est sûr.”
Ancien présentateur de radio à CBC, et modérateur expérimenté, Wake dirige le Festival des Écrivains de Vancouver depuis plus d’une décennie, ce qui lui a permis d’acquérir une vue d’ensemble très pointue du milieu des écrivains et une appréciation des obstacles auxquels ces derniers sont confrontés dans le monde d’aujourd’hui.
“Avec le coût de la vie, l’inflation et tout le reste, un dollar n’a pas la même valeur partout, explique-t-il.”
“Les éditeurs doivent regarder leurs finances de plus près, et en fin de compte je pense que les auteurs moyens, ceux qui ne sont pas les plus publiés, ou qui ne parviennent pas à s’imposer, et explosent pratiquement sur la scène, ceux-là rencontrent les plus grands obstacles. Si les éditeurs décident de réduire leurs programmes d’édition, c’est eux qui en feront les frais.”
L’un des aspects les plus importants de l’envoi d’une délégation d’écrivains autour du monde dans les différents festivals c’est de les présenter à un public qui n’aurait probablement jamais eu l’occasion de connaître leur œuvre.
“Le Canada, dit-il, peut viser encore plus haut, en matière d’écrivains le pays regorge de talents de grande qualité, beaucoup sont inconnus ou pas assez connus à l’étranger.”
“Observer la réaction du public face à des auteurs dont ils n’avaient peut-être pas entendu parler. À Christchurch, observer chaque copie de chaque livre vendu, tous partis. Sous les acclamations. Je pense que c’est extrêmement important.”
Wake ajoute qu’il pense sincèrement que lorsqu’il est présenté à ces nouveaux auteurs, le public s’engage plus dans des conversations qui peuvent avoir un effet pérenne et considérable.
“Au Festival des Écrivains de Vancouver, dit-il, nous aimons dire que si nous faisons bien notre travail et que nous engageons une bonne conversation, ça peut changer notre vie. C’est notre façon de voir notre famille qui peut changer, le regard que nous portons sur nous-mêmes aussi. Cela peut changer la relation avec notre communauté et ce qu’on en pense, y compris le reste du monde qui nous entoure.”
“Sheila Watt-Cloutier évoque l’Arctique et les défis présentés par le changement climatique, lorsqu’elle parle d’une culture construite littéralement sur la glace et la neige, en passe de changer ou de disparaître alors que la neige et la glace fondent petit à petit, nous engageant à réfléchir sur les moyens d’arrêter cette catastrophe inéluctable, voilà une discussion extrêmement cruciale.”
Et, ajoute-t-il, les avantages pour les auteurs eux-mêmes sont tous aussi profonds.
“Il ne faut pas oublier, explique-t-il, que les écrivains passent énormément de leur temps à penser, à essayer de comprendre la psychologie humaine, à essayer de comprendre le monde et sa signification, pour le présenter au final sous la forme d’une œuvre d’art.”
“L’écriture est un travail en solitaire, la lecture on la fait pratiquement seuls. Les festivals d’écrivains sont là pour associer auteurs et lecteurs dans des conversations où leur conscience est éveillée et pour en faire une expérience commune.”
Hal Wake et la délégation canadienne d’auteurs étaient à Melbourne grâce au soutien du Conseil des Arts du Canada et du Consulat général du Canada de Sydney.