
Un drame canadien “fou” présenté au public australien.
Ceux qui font les révolutions qu’à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau n’est pas un film facile, admet son producteur Hany Ouichou.
Trois heures, petit budget, le film qui a provoqué des remous dans tout le Canada est un drame grunge basé sur le Printemps érable, les manifestations étudiantes de Québec en 2012 et les mouvements qui ont suivi, mettant en scène un groupe hétéroclite de cinq révolutionnaires.
“Ce film semblait impossible à réaliser, déclare Ouichou à Canada Down Under. C’est un morceau de trois heures, avec un très petit budget, mais le miracle s’est produit.”
“Un groupe de financement québécois nous a trouvé l’argent et on a démarré avec ça. J’étais bien décidé à le produire quel que soit le budget.”
Le film suit un groupe très lié de rebelles déçus par l’échec des manifestations de masse à créer un impact significatif et fermement déterminés à prolonger la période d’agitation sociale. Choisir les acteurs les plus justes pour chacun des cinq principaux personnages fut essentiel pour garantir la dynamique parfaite et la bonne chimie nécessaires à l’atmosphère électrique du film.
“[Le choix des acteurs] a pris trois mois, ajoute-t-il, on a auditionné plus de cent personnes et on a choisi les meilleurs, cela va sans dire. Mais je pense qu’ils étaient proches de leur personnage en ce qui concerne les ondes dégagées, c’était donc tout ce qu’il y a de plus naturel.”
“Peut-être que le plus difficile c’était le personnage de Klas Batalo , une femme transgenre difficile à trouver, alors on a dû chercher dans les endroits les plus étranges, il n’y avait pas d’actrices de ce type, on a cherché sur les blogs, et on est même allés voir dans des salles de massage érotiques, essayant de parler avec les gens pour faire savoir alentour qu’on cherchait quelqu’un pour notre personnage.
“C’était très important pour les réalisateurs [de dénicher un véritable acteur transgenre]; on a pensé que ce serait hypocrite de notre part de travailler avec quelqu’un qui ne serait pas passé par toutes les étapes de sa crise d’identité.”
Cette détermination à faire le film comme il faut s’est traduite par une série de retombées significatives pour Ouichou et son équipe de tournage. Présenté au Festival international du film de Toronto dans la section Plateforme, il a reçu le prix du meilleur film canadien. Avec des nominations à trois récompenses cinématographiques canadiennes, y compris celle du meilleur film.
“[Ces récompenses] c’était la surprise totale, honnêtement je ne les attendais pas du tout. Et je ne comprends toujours pas, dit Ouichou en riant.”
“Je pense que ce qui m’a rendu le plus fier, c’est que le film n’est pas un film classique, c’est une œuvre d’art en quelque sorte, et je suis très fier que les gens l’aient ressenti comme tel. Je sais que ce n’est pas un film facile à digérer, même pour moi, mais quand même il y a tellement de films qui sont du même gabarit que je pense que celui-là sort du lot grâce à son grain de folie, c’est un film dingue.
“On a acquis une certaine légitimité, et j’en avais besoin parce que c’est un film très, très difficile à réaliser sur pas mal de points de vue.”
Le film pose les questions des efforts de ces révolutionnaires supposés et de ce qu’ils font pour proposer un changement. Pour Ouichou, il y a maintenant suffisamment d’exemples quand on considère les mouvements précédents pour montrer que ce genre de rébellion a besoin d’être quelque peu ajustée.
“Les réalisateurs, dit-il, ont un peu la nostalgie des luttes sociales des années 70 et l’une des questions que pose le film c’est cette [juxtaposition] entre un idéal de révolution né dans les années 70 et comment il peut être transformé aujourd’hui pour le rendre approprié et réel.”
“Je pense que si vous regardez le film, la réponse est que ça ne marche pas, que cette idée est faussée quelque part, et qu’il faut trouver quelque chose, une nouvelle ligne de communication sociale, d’être un révolutionnaire, qu’on n’a pas encore découvert.”
Pour Ouichou l’inquiétude du départ concernant la portée du film en dehors du Canada s’est prouvée sans fondement.
“Je suis étonné, dit-il, qu’il ait eu un tel impact hors du Québec et du Canada.”
“On y parle du Québec et du Canada, mais aussi du concept de jeunes révolutionnaires, et ça c’est une idée universelle : je pense que c’est quelque chose dont un grand nombre de pays ont fait l’expérience.”
Sans compter le succès du film au Canada et dans les Festivals cinématographiques du monde entier, Ouichou se déclare surpris de l’invitation à le présenter à Sydney.
“Je ne connaissais pas vraiment ce festival, dit-il, je ne connaissais ni l’Australie ni la ville, alors pour moi c’est arrivé comme une surprise, mais j’ai consulté le programme du festival et j’ai vu la liste de tous les films sélectionnés, et ce n’est pas facile d’en être.”
“Ils choisissent les meilleurs films de tous les festivals internationaux. En fait, j’en suis stupéfait. Je suis stupéfait que ce film ait attiré l’attention des sélectionneurs.”
Hany Ouichou était invité au Festival du Film de Sydney grâce au soutien du Consulat général du Canada à Sydney. Ceux qui font les révolutions qu’à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau était inclus dans la section Focus sur le Canada du Festival 2017.