
Carmen Aguirre : La Combattante Invisible de la Résistance
La plupart des enfants aiment croire qu’ils vivent une double vie. Ils cachent des choses à leurs parents, jouent aux policiers et aux bandits, et essayent d’imiter leur vedette de sport préférée.
Mais pour Carmen Aguirre, sa double vie était une réalité.
Vivant à Vancouver comme réfugiée politique, exilée du Chili avec ses parents combattants dans le mouvement de la résistance, Aguirre a vécu avec des pressions que très peu peuvent comprendre.
«J’étais jalouse de mes homologues canadiens, qui semblaient vivre heureux dans une ignorance totale des choses sombres qui se passaient», dit-elle
« Ce fut certainement le cas d’une part, mais d’autre part, j’ai secrètement aimé d’avoir une double vie – le fait d’avoir une toute autre vie dans la communauté chilienne en exile et qu’ils en savaient rien, et qui était pour moi impossible d’expliquer ou de décrire. »
À Sydney pour le Festival des écrivains, Aguirre a écrit deux mémoires détaillant sa vie extraordinaire grandissant au Canada comme réfugiée, rejoignant ses parents dans le cadre de la résistance contre le régime d’Augusto Pinochet au Chili avant de commencer plus tard sa carrière accomplie d’actrice et dramaturge.
Aguirre a dit qu’il n’était pas toujours facile de comprendre les motifs et actions de ses parents, qui étaient parfois au détriment de la réalité parentale.
« Je pense que lorsque vous êtes enfant, vous allez accepter quoique vos parents fassent, parce que tout ce qu’ils font est normal pour vous, et que c’est un moyen de survivre. Mais plus tard dans la vie, quand je suis devenue une adulte, j’ai vraiment commencé à remettre en question leurs choix, et la colère a commencé à monter « , dit-elle.
« C’est essentiellement par la thérapie que je fus en mesure de surmonter cette colère, et suis arrivée à une place où je suis reconnaissante d’avoir eu l’enfance que j’ai eue, c’est ce qui a formé la personne que je suis aujourd’hui.
« Ça été très difficile et très douloureux et c’est ce que raconte mon premier livre Something Fierce: Memoirs of a Revolutionary Daughter (Quelque chose de farouche : Mémoires d’une jeune fille révolutionnaire) – il décrit ce que signifie réellement d’être l’enfant de personnes qui ont mis une cause politique avant d’être parents. »
Aguirre a suivi ses parents comme combattante de la résistance – à l’âge de 11 ans, elle était revenue en Amérique du Sud pour aider à la mise en place de maisons secrètes sûres pour d’autres combattants de la résistance et à 18 ans, elle était devenue une coursière, transportant des messages et des biens en Bolivie et au Pérou par le Chili.
Sa fierté du Chili est évidente par la passion avec laquelle elle parle de son pays.
« Je pense que tous les Chiliens sont assez fiers!» Elle rit.
« Lorsque vous êtes expulsé de votre pays – surtout quand vous allez en exile à un très jeune âge – certainement dans mon cas, et dans le cas de tous les enfants avec qui j’ai grandi, le pays que vous avez quitté devient plus grand que la vie », poursuit-elle.
« Vous n’êtes pas un immigrant. Un immigrant est une personne qui veut se réinventer dans un nouveau pays. Un refuge, c’est tout pour le retour triomphal. Parce que nous avons été élevés pour le retour triomphal, le pays est juste devenu de plus en plus grand et de plus en plus grand dans notre imagination».
Aguirre a été forcée de retourner dans son pays d’adoption du Canada à 22 ans quand il n’était plus sûr pour elle d’être en Amérique du Sud, et elle a décidé de réaliser le rêve de sa vie.
«Je savais depuis toujours que je voulais être une actrice, je voulais être une personne de théâtre, mais j’ai complètement abandonné ce rêve pour être dans la résistance –j’étais prête à faire tout ce que la résistance me demandait de faire. » Explique-t-elle.
« Ce fut seulement après la chute de Pinochet, et nous avons essentiellement perdu la révolution – car même s’il est tombé, son système est resté intact – c’était après cela que je suis venue à la conclusion que j’étais encore assez jeune pour aller à l’école de théâtre, et enfin suivre ma vocation ».
Luttant tout d’abord pour trouver des rôles pour elle-même en dehors des stéréotypes, Aguirre a décidé qu’elle aurait besoin de les écrire elle-même.
Ayant maintenant écrit 25 pièces de théâtre, y compris en 2005 Trigger, très acclamé et aussi Refugee nommé au trophée de Dora Mavor Moore Award en 2010, Aguirre dit que l’un de ses objectifs est de créer des pièces qui mettent en valeur la diversité de Vancouver.
« Dans les médias, je n’étais jamais représentée, j’étais complètement invisible partout où vous regardiez, que ce soit à la télévision, que ce soit sur un panneau d’affichage ou dans un magazine, même dans les livres, » dit-elle.
Ses seconds mémoires, « Mexican Hooker #1: And My Other Roles Since The Revolution » (Mexicaine Hooker # 1: Et Mes Autres Rôles Depuis La Révolution) expliquent cette lutte avec l’identité, ainsi que son combat de faire face au trauma d’un horrible viol d’enfance aux mains du fameux «violeur au sac en papier» du Canada, quand elle avait 13 ans.
Après avoir passé les 18 dernières années au Canada sans un voyage de retour, Aguirre a récemment re-visité le Chili. Elle dit que son pays natal détient toujours quelque chose de très spécial pour elle.
«Vancouver est une très belle ville – j’ai une très forte connexion au pays, par opposition à la culture», a-t-elle expliqué.
« Avec le Chili, j’ai le pays, le spirituel et aussi la connexion culturelle. »
Carmen Aguirre était à Sydney pour le Festival des Écrivains de Sydney dont le Consulat général du Canada est un fier commanditaire.