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Participation canadienne à NIRIN, la 22èmee Biennale de Sydney

NIRIN, la 22ème Biennale de Sydney, fut unique, non seulement parce qu’elle a eu lieu en pleine crise sanitaire mondiale, mais aussi par sa gestion. Brook Andrew, le Directeur artistique de la 22ème Biennale de Sydney a choisi le titre de NIRIN, parce qu’il signifie ‘marge’ en Wiradjuri, la langue de son peuple maternel. Pour transmettre cette idée de marge, sept thèmes ont été créés, tous en Wiradjuri :

  • Muriguwal Giiland qui signifie ‘histoires différentes’
  • Bila qui signifie ‘rivière’ pour rappeler l’environnement
  • Gurray qui signifie ‘transformation’, que chaque artiste espère inciter à travers une perspective unique
  • Ngawal-Guyungan qui signifie ‘idées fortes’
  • Dhaagun qui signifie ‘terre’, dans ce contexte l’endroit où se produisent connexion et collaboration mais aussi la manière qui définit la souveraineté
  • Yirawy-Dhuray qui signifie ‘connexion avec l’igname‘ représentant la nourriture et le partage des ressources
  • Bagaray-Bang qui signifie ‘cicatrisation’

En les associant, NIRIN démontre comment des marges multiples forment un nouveau centre et engagent une nouvelle conversation. Tous les artistes sélectionnés ne font pas partie de la majorité, car vivant dans la marge politique et culturelle ; personnes de couleur, personnes queer, non-binaires, appartenant à des groupes minoritaires et pas forcément considérées des artistes dans le sens traditionnel du terme. Pour l’artiste Siksika Adrian Stimson ce n’est pas la première exposition de matière secrète en Australie. En 2016, il a participé à With Secrecy and Despatch qui marquait le 200ème anniversaire du massacre de Appin en Nouvelle Galles du Sud. A l’occasion de la Biennale, il a exploré de nouveau la déconstruction du narratif colonial, en évoquant la violence et le traumatisme, et en revisitant les identités sexuelles autochtones par l’utilisation de son personnage Buffalo Boy, parodie de Buffalo Bill, et Naked Napi pour indiquer sa double identité spirituelle.

Explorant également les concepts de genre et d’identité, Jes Fan propose des œuvres issues d’une variété de matériaux qu’il intitule Form begets Function et Function begets Form. Pour explorer la manière dont l’identité est construite et les notions de race et de genre sont créées, divers matériaux sont utilisés y compris urine, œstrogène, sperme, sang, testostérone et mélanine. S’inspirant des travaux de l’artiste médical chinois Lam Qua pour signifier la pertinence mondiale spécifique en notant la façon dont la Covid a entraîné une sinophobie, la mélanine, une base primaire des catégories raciales, a été utilisée dans sa sculpture et dans l’installation vidéo Xenophoria.

La conférence aabaakwad en introduction à NIRIN a débuté par une discussion entre Brook Andrew et Wanda Nanibush, Commissaire des Arts autochtones au Musée des beaux-arts de l’Ontario. Signifiant ‘éclaircie après l’orage’ en langue Anishinaabe du peuple Nanibush, l’idée présentée est celle que l’art autochtone devient un concept autochtone, qui s’adresse non seulement aux Biennales futures mais à la culture artistique en général. La contribution de Elle Máijá Tailfeathers à cette Biennale est un court-métrage hautement personnel qui évoque l’importance de cette autonomie par le partage de son histoire. Intitulé Bihttoš, ce court-métrage est une composition de différents matériaux y compris film, animation, photos de famille et photos historiques que Tailfeather commente tout le long. Elle accompagne le visiteur à travers l’histoire d’amour de ses parents, sa mère étant une femme Blackfoot du Canada et son père un homme Sámi de la région Sápmi, et décrit son expérience en tant que personne ayant grandi avec deux parents autochtones passionnés par les droits de leurs peuples autant que par le traumatisme intergénérationnel imposé à leur vie.

En préparant cette exposition, Brook Andrew a observé que les Biennales précédentes indiquaient des distinctions euro-centriques précises entre les styles artistiques et il s’en est servi comme modèle à ne pas suivre. L’inclusion de Adrift Lab est un exemple de cette approche unique en son genre. Une organisation scientifique conduite par une équipe de scientifiques canadiens et australiens analysant tout ce qui flotte à la dérive sur les océans n’apparaît pas avoir de lien particulier avec l’art. Pourtant, Sublethal, l’œuvre présentée à l’exposition qui reprend des éléments de leur travail sur Lord Howe Island en est une preuve, associant science et art pour en faire une déclaration environnementale. Exposant le manque d’intérêt généralisé de la société au vu de la pollution marine, ils présentent des amas de plastique que leur recherche met à jour et des vidéos d’oiseaux en dissection dont les estomacs regorgent de détritus.

Toujours concerné par l’environnement, mais d’une manière différente, on découvre l’œuvre de l’artiste de Vancouver Randy Lee Cutler. En collaboration avec l’artiste australien Andrew Rewald, il crée Mineral Garden, une exploration de la relation entre l’humanité et l’écologie. En projetant une vue queer sur l’histoire occidentale, une interaction alternative avec le monde naturel est proposée s’inspirant de minéralogie, éco-féminisme et agriculture durable comme base d’information pour ce nouveau monde.

Evoquant les conséquences des dégâts environnementaux sur le peuple Inuit, Taqralik Partridge crée des œuvres artistiques qui expriment les conséquences plus larges sur la communauté autochtone mondiale et l’humanité dans son ensemble. L’une des œuvres exposées est un texte écrit en grande dimension accompagné d’un commentaire oral sur la perte des ressources. Le texte est inspiré du travail de l’artiste brésilien Denilson Baniwa et traduit en plusieurs langues : Dharug Dlang, anglais, Inuktitut, latin script et Inuktitut syllabique, pour signifier l’universalité de cette préoccupation.

Au cours de la conférence aabaakwad, Nanibush a déclaré avoir observé que les artistes autochtones avaient tendance à ne pas séparer militantisme et art tout en confrontant le préjugé de ne pas être considéré comme appartenant à ‘la communauté artistique’. Bien que toutes les œuvres de cette Biennale ne soient pas des œuvres d’artistes Indigènes et Premières Nations, toutes sont issues d’un esprit de militantisme faisant de la Biennale une expérience éducative. En créant des œuvres de militantisme humanitaire, l’artiste Canadienne d’origine arménienne et égyptienne, Anna Boghiguian propose un travail inspiré de sa résidence à la faculté Art Design & Architecture de l’Université de Monash. En se concentrant sur les diasporas et l’impact des communautés déplacées, The Uprooted explore la façon dont la vie d’une communauté est connectée à sa terre ancestrale. L’étude de ce déplacement fut explorée non seulement à travers la perspective des communautés immigrantes mais aussi les expériences des peuples Aborigènes d’Australie.

Disséminés dans la Biennale, on a pu voir des installations de ‘Powerful Objects’, des éléments de signification culturelle et historique, une impression 3D en fibre de verre d’un dendroglype sacré abattu et déplacé de son site à Kalimangl Bora Ground en Nouvelle Galles du Sud pour être exposé en Angleterre pour n’en citer qu’un. Tout cela reflétant l’impression faite par NIRIN que l’art est un moyen puissant d’éducation, de changement et d’ouverture de nouvelles conversations. 

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Questions-Réponses avec Barbara Moore, Directrice de la Biennale de Sydney


Nous avons parlé à Barbara Moore de la Biennale qui vient de se terminer; son impact culturel, les artistes canadiens qui y ont participé, l’impact du COVID et quel sera l’avenir avec le directeur artistique de la 23ième Biennale de Sydney qui a récemment été annoncé.

Canada Down Under :
NIRIN a placé sur la scène centrale les voix de ceux et celles qui se trouvaient en marge politique et culturelle et cela grâce à l’intervention de Brook Andrew. Quelle a été la réaction face à un tel message de militantisme à travers les arts ?

Barbara Moore : Sous la direction artistique de Brook Andrew, NIRIN, la 22ème Biennale de Sydney, est portée par les artistes et les Premières Nations, présentant une vaste collection d’œuvres contemporaines qui connecte les communautés locales et les réseaux mondiaux.  NIRIN formule l’idée que la créativité est un vecteur important pour exprimer la vérité, pour évoquer directement l’anxiété en-suspens et pour imaginer des futurs auto-déclarés. De nombreux artistes profitent de NIRIN pour présenter un message militant comme stratégie de progrès et de connexion. Et alors que le climat politique mondial actuel reflète l’anxiété face à la pandémie de la Covid-19, au changement climatique et aux injustices raciales, la réaction au militantisme de NIRIN fut extrêmement positive, le public s’engageant profondément et constamment vis-à-vis des thèmes, des idées et des œuvres d’art exposées à NIRIN.

Canada Down Under : De nombreux artistes canadiens sont exposés à cette Biennale tels Adrian Stimson, Jes Fan, Elle Máijá Tailfeathers, Adrift Lab, Randy Lee Cutler, Taqralik Partridge et Anna Boghiguian. Pourquoi faire le choix de ces artistes en particulier ?

Barbara Moore : Le Canada possède des artistes de grand talent, qu’ils soient autochtones ou non, créateurs, commissaires d’expositions er réalisateurs dont les concepts et les idées font écho dans le contexte australien. Les participants à NIRIN célèbrent la perspective autochtone, ses valeurs, ses idées quant au croisement des genres, de l’art, de la science et de la technologie, et explorent notre histoire mondiale et nos narratifs. Leurs pratiques créatives, intergénérationnelles, collaboratives et aux formes multiples sont profondément ancrées dans la communauté et le langage, et dans la vision de brook Andrew, NIRIN est très heureux de présenter ces artistes canadiens dans le cadre de cette 22ème Biennale de Sydney. Nous remercions sincèrement le Conseil des arts du Canada, les Affaires mondiales du Canada et le Musée des beaux-arts de l’Ontario pour leur soutien à ces artistes et à l’exposition rendant par-là possible leur participation et leur inclusion dans cette discussion internationale.

Canada Down Under : Prenant en considération l’impact de la Covid, quels sont vos espoirs et vos craintes concernant les arts au Canada comme en Australie ?

Barbara Moore : Je pense que c’est la responsabilité des collectivités d’apporter leur soutien au travail incommensurable de la communauté artistique, en reconnaissant et en réaffirmant leur contribution à notre bien-être mental, culturel et social. L’art contribue à ce qui fait de nous des humains. Sous une forme ou une autre, il est essentiel à notre bien-être. Pendant cette pandémie et au-delà, les artistes peuvent nous guider à travers le chaos, avec l’innovation, la réflexion, l’optimisme et la créativité qui nourrissent nos âmes et nous aider à envisager un avenir regorgeant de possibilités. Espérons que nous pourrons tous tirer avantage de cette pandémie, comme par exemple considérer les effets positifs que la situation a eu sur notre planète et réviser nos priorités pour que ces points positifs se prolongent au long terme. Si nous permettons à notre pensée de se laisser guider par les artistes et les membres des Premières Nations, le monde s’en trouvera bien mieux, et sera bien plus agréable à vivre pour nous tous.

Canada Down Under : La COVID a causé un arrêt temporaire à la Biennale entraînant la création d’un site fantastique de Google Arts & Culture qui a permis une expérience virtuelle de cet évènement. Que pensez-vous de cette expérience virtuelle artistique pas seulement pour cette Biennale mais aussi pour les futurs festivals ?

Barbara Moore : Une expérience virtuelle permet un engagement avec l’art contemporain elle complète une exposition physique, sans s’y substituer, ni la remplacer. En moyenne, le temps passé dans la vraie vie avec des œuvres artistiques est de 17 secondes par personne, alors que le public s’engage avec le contenu digital de NIRIN pour une moyenne de 90 secondes. On peut donc en déduire que le public s’engage plus à fond digitalement avec le contenu et les concepts, tandis que l’expérience physique exige une approche plus complète qui comprend par exemple les sons, les odeurs, la lumière. Les expériences physique et digitale sont très différentes, et en comprenant ces différences, et les atouts de chacune, c’est ce qui aidera à planifier les futurs festivals. Cette année, afin de nous assurer que notre contenu digital était intéressant et conforme aux attentes du public, la Biennale de Sydney s’est associée avec Google Arts & Culture, des experts du digital, pour permettre aux artistes de NIRIN de partager leurs œuvres avec le reste du monde, rapprochant les personnes, les idées et les narratifs durant cette sévère période d’isolement.

Canada Down Under : Disséminée dans la Biennale, on a pu voir l’installation de ‘Powerful Objects’. Quelle est la signification de ces éléments ?

Barbara Moore : Sous la direction artistique de Brook Andrew, NIRIN, la 22ème Biennale of Sydney, atteste que les artistes ont la capacité d’inspirer et de guider pendant des moments difficiles tels que les catastrophes naturelles et les moments urgents de transformation sociale pour recadrer les histoires. L’installation récurrente de Powerful Objects est une sélection d’objets et de documents éphémères issus de collections privées et publiques. Cette intervention est née de la vision de Brook Andrew qui s’est voulue complémentaire des œuvres de NIRIN pour nous rappeler les histoires oubliées ou ignorées, les cérémonies, les trajectoires présentées par les artistes et les communautés en aval. Dans la vision de Brook, ces objets nous aident à ranimer notre connexion à l’autre et la maintenir, au travers de périodes, d’endroits et de personnes qui ne semblent pas immédiatement présentes.

Canada Down Under : Le Directeur artistique de la 23ème Biennale a récemment été annoncé, il s’agit de José Roca. Quel est votre avis sur les deux années à venir dans un monde où les voyages sont limités voire impossibles pour certains ?

Barbara Moore : Suite à une recherche internationale de grande ampleur, la Biennale de Sydney est très heureuse d’accueillir le colombien José Roca à la direction artistique de la 23èmeBiennale de Sydney. José va s’installer à Sydney pour la durée des préparatifs et en plus de travailler avec un groupe local d’administrateurs, il s’appuiera sur un réseau fiable de collègues répartis dans le monde qui l’aideront à faire les recherches pour l’exposition. Au vu des restrictions limitant les voyages pendant les deux prochaines années, nous allons travailler avec nos collègues locaux et internationaux pour que les thèmes, les idées et les œuvres d’art de la 23ème Biennale de Sydney soient créées collectivement et largement partagées.

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La participation canadienne à NIRIN, la Biennale de Sydney, a reçu le soutien du Conseil des arts du Canada, Affaires mondiales du Canada et le Musée des beaux-arts de l’Ontario.  

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Alex Robinson
Document Photography
Jessica Maurer
Ken Leanfore
Zan Wimberley

 

 

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Canada Down Under is an on-line portfolio of Canadian-Australian stories produced by the Consulate General of Canada in Sydney and other contributors.

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