Première du film de Arshad Khan « Abu:Father » au Festival Queerscreen de Sydney
Ce qui a commencé par une vidéo de cinq minutes à la mémoire de son père s’est transformé en un film couronné de succès qui a enchanté des spectateurs du monde entier.
Le réalisateur canadien Arshad Khan est venu récemment en Australie pour la première de son film “Abu” qui en Urdu veut dire “Père” au Festival Queerscreen de Sydney. Arshad décrit ce film comme “ documentaire histoire d’amour d’un homosexuel pakistanais canadien” centré sur la relation difficile dont Arshad a fait l’expérience en tant que fils homosexuel d’un père pakistanais musulman convaincu.
Le film qui nous est présenté aujourd’hui n’est pas ce que Arshad avait l’intention de réaliser au départ. “Je faisais une vidéo de cinq minutes en mémoire de Abu (le père) et j’ai réalisé que ma famille était extrêmement bien informée ce qui est assez inhabituel. En 1981, nous étions au Pakistan une des premières familles en possession d’une caméra VHS, c’est ainsi que nous possédions toutes ces images formidables de moi quand j’étais petit.”
Encouragé par le soutien qui lui fut apporté lors de la projection d’une bande annonce de trois minutes en compétition au Festival de cinéma de Montréal, Arshad s’est décidé à réaliser le film avec le soutien du Conseil des arts du Canada puis par la suite celui de l’Office national du film du Canada (NFB), du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) et de SODEC. Grâce à la générosité de divers financements et aussi grâce à sa passion pour ce projet, Arshad a pu réaliser son rêve de raconter “l’histoire qui était au fond de lui et qu’il avait besoin de raconter.”
Utilisant des photos et films de sa famille, Arshad traverse les années depuis son enfance au Pakistan, puis l’émigration de sa famille au Canada jusqu’à sa vie adulte comme stewart dans un avion et réalisateur de films au Canada. Racontant lui-même son histoire, il associe animation et production de sons uniques pour que cette histoire ordinaire d’une famille de migrants canadiens devienne extraordinaire.
Lorsqu’on lui demande le propos de son film. Arshad déclare qu’il couvre bien plus que la simple relation avec son père. “Il s’agit de tellement de choses. Les péripéties d’un émigrant, la recherche de ce lieu insaisissable qu’on appelle son pays, le fait qu’on vient de contrées si diverses avec des raisons si diverses pour s’installer dans un pays comme le Canada, notre apprentissage et notre maturité engendrés par cette internationalité qu’on trouve au Canada et qui nous donne une telle leçon d’où qu’on vienne.”
Bien que ce film ait eu un énorme succès au Canada comme internationalement, Arshad était très impatient de voir comment il serait perçu par le grand public. “J’avais le sentiment d’avoir un peu profité de ma famille qui en avait du ressentiment. Pour elle, c’était comme tout déballer sur la place publique, et ce n’était pas une bonne idée.” Il dit même que jusqu’à la première mondiale de Abu au Festival de cinéma de Los Angeles, il s’inquiétait de son accueil.
Cependant la réponse à la fois professionnelle et personnelle donnée à Arshad fut renversante ; le film a remporté plusieurs récompenses et fut projeté dans tout le Canada. Mais pour Arshad ces récompenses ne valent pas le ressenti personnel et le partage avec tant de gens.
“Les gens ont tellement aimé ce film, dit-il, que je me suis retrouvé carrément bombardé sur toutes les plateformes imaginables.”
“Tant de gens sont en larmes après chaque projection, tant d’entre eux viennent m’embrasser. Ils me remercient et me disent qu’ayant dû traverser le même genre d’épreuves, ils éprouvent les mêmes sentiments. Tant de fois ils m’ont dit : c’est ‘notre’ histoire, et je ne parle pas seulement de ceux qui sont d’origine musulmane ou d’Asie du Sud. Je parle d’Européens, d’Asiatiques, de Blacks et c’est si encourageant. ”
Les louanges mises de côté, Arshad déclare que l’accueil de son film par sa famille n’a pas de prix. Sa mère est sa plus grande critique, elle qui au départ n’était pas favorable au film parce qu’elle avait peur de ce que les gens pourraient penser de sa famille. Il ajoute qu’elle était “résolument contre le film quand bien même elle lui a accordé une interview. ”
Mais l’opinion de sa mère a changé lorsqu’elle a vu le film avec son fils sur le grand écran.
“J’assistais à la séance avec Deepa Mehta [célèbre réalisateur indo-canadien] qui ne pouvait s’arrêter de rire à ma gauche pendant que ma mère pleurait toutes ses larmes à ma droite. À la fin de la séance, ma mère m’a déclaré ‘je suis fière de toi’ ajoutant ‘c’est même drôle’.”
On ne saura jamais ce que le père de Arshad pense de ce film, lui qui est décédé en 2011. Pourtant Arshad déclare que son père avait pour habitude de lui dire que sa sœur Asma et lui ne lui donneraient que honte ou fierté. Que ce soit l’un ou l’autre, ce film est bien cause de célébration.
“ [Ce film est] une célébration de la différence. Une célébration d’une famille et une célébration plus de ce qui nous rapproche que de ce qui nous divise.”