
Le journal d’une Stick Girl: exploration d’histoires multi-culturelles
Dans Window Horses: l’épiphanie poétique persanne de Rosie Ming, la réalisatrice et scénariste Ann Marie Fleming nous raconte l’importance de l’art, de la culture et du multiculturalisme à travers l’objectif de son alter ego – Stick Girl – mais en faire un film ne fut pas chose aisée.
Ce film d’animation qui a fait sa première australienne au Festival cinématographique de Sydney a été écrit il y a plus de vingt ans quand Fleming était artiste en résidence en Allemagne. Il s’agissait tout d’abord d’une bande dessinée et la porter à l’écran a requis pas mal de patience, de dur labeur et de soutien. C’est l’histoire de Stick Girl, Rosie Ming dans le film, dont le voyage en Iran pour un festival de poésie se transforme en une expérience qui va changer sa vie.
“Ça a commencé par un scénario, déclare Fleming à Canada Down Under, un scénario qui devait se traduire par un film. J’ai obtenu le financement de développement, un scénarimage et un animatic, tout était prêt pour la production. Et puis en 2009, il y a eu les élections iraniennes, et toute la violence qui a suivi, le Canada a rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran, et le film n’a pas pu se faire. ”
“Je voulais quand même poursuivre avec ce film, parce que mon histoire porte un message de paix et de tolérance, qui explique comment la poésie nous relie les uns aux autres depuis des millénaires par-delà toutes les cultures, et je voulais juste la maintenir en vie alors j’ai changé mon scénarimage en bande dessinée.”
Des années plus tard, elle a eu à nouveau l’opportunité d’en faire un film comme elle le souhaitait, mais les difficultés de financement ont poussé Fleming vers le financement participatif, avec une campagne Indiegogo pour financer la production de films, et elle s’est alors tournée vers une vieille amie.
“Je suis une personne créative, nous explique Fleming. Je me suis dit : ‘J’ai besoin d’une personne qui va amplifier mon message’, et j’ai donc contacté Sandra Oh (la célèbre actrice de Grey’s Anatomy). On se connaît depuis vingt ans et on n’a jamais eu l’occasion de travailler ensemble parce qu’elle est très occupée, et donc dès qu’elle a dit oui, elle est devenue la porte-parole du film sur cette plateforme.”
“On a eu tellement de publicité, internationalement, parce que tout le monde voulait savoir ce qu’elle était devenue après Grey’s Anatomy. Elle était ce personnage qui avait accompagné toute une génération et on a donc parlé de nos thèmes de prédilection: le pouvoir féminin, l’importance de l’art, de la culture, de la famille, de la tolérance, du pluralisme et du multiculturalisme, et on a eu tellement de retour dans la presse internationale de toutes sortes, c‘était tout simplement incroyable, on n’avait pas de film, pas de contexte, pas de festival, on parlait juste de choses qui nous paraissaient importantes dans le monde, c’était fantastique.”
Plus de 700 personnes ont donné plus de 80 000 dollars pour lancer le film, et avec Kevin Langdale, collaborateur de longue-date dans l’animation, le rêve de Fleming s’est finalement transposé à l’écran.
Une bonne part de ce que raconte Fleming trouve sa source dans ses histoires et son expérience personnelles. Dans un film précédent, La vie magique de Long Tack Sam (2003), elle retraçait le parcours de son arrière-grand-père, le magicien asiatique Long Tack Sam du Canada aux États-Unis, par la Chine, l’Angleterre et l’Autriche. Dans Window Horses, la ressemblance entre Rosie Ming et elle-même est bien évidente.
“Mon alter ego, dit-elle, ‘Stick Girl’ sur laquelle je travaille depuis trente ans, et qui est en quelque sorte ma doublure plus douce et plus courageuse en est le personnage central. C’est son premier rôle d’actrice, elle est Rosie Ming, avec la voix de Sandra Oh pour qui c’est la première fois qu’elle est interprétée par une autre actrice.”
“Dans le film, elle est à moitié persanne, ce que je ne suis pas évidemment, mais elle emprunte une bonne partie de moi et de mes histoires, comme le ferait une actrice qui interprète un nouveau rôle.”
En fait, Fleming est de descendance australienne et chinoise, née au Japon avant qu’elle ne vienne au Canada pour y étudier. Elle réside maintenant à Vancouver et déclare que son héritage multiracial et sa vie de globe trotteuse l’ont conduite à examiner les voyages des autres gens.
“Je suis venue au Canada, dit-elle, comme immigrante, j’ai vécu dans plein de différentes villes et j’ai un riche bagage culturel, mais je ne leur ressemble pas vraiment physiquement, et le son de ma voix est différent, au point qu’on me demande toujours quelles sont mes origines.”
“J’ai toujours montré un intérêt dans les histoires des autres gens, parce que je crois sincèrement que tout est dévoilé par ce qu’on est, où on est et quand on y est.”
Le film a été bien reçu internationalement depuis sa première sortie mondiale au Festival international du film d’animation d’Annecy en 2016. Pour Fleming, ce film est résolument canadien, et elle se déclare enchantée d’avoir été dignement récompensée au Festival international du film de Vancouver en 2016.
“Le film, dit-elle, a remporté le prix du meilleur film canadien et celui du meilleur film de Colombie britannique. C’est dengue! Mais c’est intéressant parce qu’il s’agit là de deux jurys différents et que c’est un film d’animation, et l’animation n’est pas souvent mise au même niveau que les autres films. On a remporté des prix dans le monde entier, dans les festivals du film d’animation et les autres, il est donc intéressant de constater que tout le monde voit le même film, indépendamment de sa culture, c’est tout ce qu’on espérait. ”
“C’est un film intégralement canadien, Mongrel est le distributeur au Canada, le NFB (l’Office national du film du Canada) y est co-producteur, Téléfilm, et bien sûr avec les crédits d’impôts chaque citoyen canadien a investi dans le film. Ce film est vraiment un artefact culturel du Canada et si on reste pour voir le générique jusqu’à la fin, on la voit agiter un petit drapeau canadien.”
Chaque voyage en Australie constituant pour elle un peu comme un retour aux sources, Fleming s’est dite emballée par cette occasion de montrer son film à Sydney.
“Venir en Australie, dit-elle, c’est pour moi faire d’une pierre deux coups, parce que ça me donne l’occasion de revoir ma famille. On ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre quand on visite un endroit, et je ne parle pas seulement de la réception du film, mais le monde change si rapidement, et Sydney est une ville si dynamique, chaque fois que je reviens, une fois de temps en temps, c’est une nouvelle atmosphère si complètement différente, des ondes si complètement différentes.”
“Je suis assez vieille maintenant pour me rappeler qu’il fut un temps où on ne pouvait pas manger proprement en Australie et on regardait toujours la nourriture, c’est un bon test du multiculturalisme, la qualité de la nourriture, son accessibilité et sa clientèle, c’est révélateur du bon déroulement des choses, et à Sydney on a la chance de trouver une très bonne nourriture.”
Window Horses: L’épiphanie poétique persanne de Rosie Ming, dans la section Focus sur le Canada au Festival cinématographique de Sydney 2017. Participation de Ann Marie Fleming grâce au soutien du Consulat général du Canada, Sydney.